Nicolas Lespagnol vit à Paris
e-mail : lespagnolnicolas@free.fr

Le réel – l’extraordinaire normal

Une fois, je me suis dit : « …..Ce n’est pas nous qui regardons la nature, c’est la nature qui nous regarde… », du coup , je me suis senti immergé, vu de toute part autour de moi.


Le réel
Je ne m’échappe jamais du « réel » qui est l’essence de la photographie. Une photographie trop transformée devient une « peinture ». Et perd son caractère de photographie. Trouver l’extraordinaire dans le « réel normal », pour éviter une trop grande part de subjectivité qui je pense perd de sa force au fil du temps. Rien ne doit être caché au spectateur. C’est à la fois la contrainte et la force de ce médium si brut
Je photographie pour le spectateur. Sans me détacher de ma recherche personnelle, je pense beaucoup au spectateur. J’essaye de lui donner les conditions pour qu’il se dise qu’il aurait pu faire cette image, ou la voir. Donc j’élimine les particularités qui pourraient être trop personnelles ou exprimer une contingence spéciale. Je préfère les situations les plus courantes pour atteindre le « général » plutôt que de beaux instants particuliers. Mes photographies sont prise à l’horizontale, sans angle particulier, avec une focale proche de celle de l’œil. Le principal est de transmettre un « extraordinaire normal ». Tout est possible pour les peintres, ils créent de toutes pièce, peuvent enjoliver, tirer parti d’un « procédés » technique. Devant une photographie, le spectateur ne part pas de rien. Il a un réel qu’il connait et qui est d’abord mis a plat. Pour surprendre le spectateur, le photographe doit s’employer autrement.


Le lien avec la peinture abstraite.
Je souhaite retrouver mes émotions issues de la « peinture » dont le champ d’expression est le plus large, le plus neuf, et plus expressif des arts visuels, et tellement d’actualité. Pour cela, il me faut dépouiller le plus possible la photographie de l’impression de réel qu’elle apporte tout en conservant ce réel brut. M’abstraire, décaper la photographie de tous les aspects comme le temps, la profondeur, l’espace, le haut et le bas, la masse et le poids des choses. Cette recherche d’abstraction doit aussi permettre d’éliminer le plus possible le sens que la situation pourrait apporter. Il ne me rester ainsi que la Nature. Une nature sans trace d’humain, la forme et la couleur. Comme un archéologue nettoie pour atteindre l’origine des choses, je cherche un peu à décrypter le « génome » de la photographie. Par la peur de la désuétude, je poursuis la permanence, l’essence des choses. L’instant capté peut-être extraordinaire, merveilleux. Mais il peut être tout aussi fortuit, parfois même accidentel donc loin de la permanence. Il me manque l’instant d’avant et celui d’après la prise de vue. Retirer le sens, les idées, qui finissent par des comparaisons même minimes, et aussi des jugements qui alourdissent. Les personnes, objets, situations constituent un « évènement », la partie documentaire. S’ii subsiste une partie de mystère ou d’incompréhension dans l’image même si sa composante documentaire est forte, je peux l’aimer. Sinon, il me faut une image sans aspect documentaire.
Magritte employait très souvent le mot « mystère ». Les associations baroques ou incongrues des sujets peints confrontées aux titres consternants sont aussi là pour s’éloigner de la réalité


Éliminer le temps
L’instant précis capté semble découvrir un détail caché essentiel mais , en fait, souvent, il exclut l’instant d’avant puis celui d’après. Même si cet instant est beau, il réduit à un détail et je ne peux pas accéder au « général » . L’instant s’efface vite, il est déjà mort. le « général » ou son impression , capté par le photographe, devient naturalisé et un peu immortel. Alain Fleischer n’aime pas le temps capté, mais lui travaille sur un « temps sans instant », un temps cinématographique, un « temps qui se dépose (sur la photographie) », une durée. Je préfère l’éliminer, encore l’envie d’abstraction, de permanence. Que les instants d’avant et après se rapprochent ou soient, en fait, les mêmes que celui du temps capté….pour qu’il n’y ait plus de durée;

Série « paysages soudés » (« Welded landscapes »)

2 images pour 3 espaces. Le cerveau vacille, le quel choisir un grand espace pour se joindre à un petit pour en former un troisième. Plus de volume, de profondeur, d’échelle, reste le trait, la couleur comme en peinture. Umberto Eco disait des vers de Dante qu’ils avaient deux mots principaux et que les autres ne servent que de liant.

Série « Plots »   (« Curb »)

La série permet de renouveler le plaisir, de jouer aussi. Chaque image confirme l’impression donnée par une autre image,. Les photographies sont réduites au minimum, 2 dimensions celles des plots et celle du sol. Pourtant on observe que la représentation en plan est décalé de la réalité alors que l’objectif de prise de vue à une focale proche de celle de l’œil. La vibration due à la matière déstabilise. Ces plots sont comme une mire de mesure, de calibrage. Mais alors que la mire doit permettre de mieux connaitre la mesure des choses, ici elle détourne. Les notions de géométrie classique sont presque caduques : – Le sol devient vertical comme un papier peint, sol qu’on ne regarderait pas s’il était seul représenté. – L’effet d’aplatissement est parfois renforcé. – Certains plots se mélangent avec le sol. – On ne devine pas toujours la taille des objets. Le hors champ inexistant empêche de se projeter, l’œil revient forcément à ces plots et reste troublé. Le spectateur doit s’interroger sur le pouvoir de la représentation. La présentation quasi clinique, sans ombre, sans trace d’usure du temps, naturalise ces objets qui conservent néanmoins un coté irréel. Ici, la série semble pouvoir se développer à l’infini. Les notions différence et de ressemblance s’évanouissent un peu puisqu’on a l’impression de voir toutes les formes. Il est curieux aussi que l’homme s’amuse à faire tant de formes pour une même fonction triviale.

Série « hors cadre » (off camera)

Le cadre est simple, pratique et universel – si sobre qu’on ne s’en préoccupe pas beaucoup. Dès qu’on sort même un peu de cette frontière « arbitraire », un nouveau monde s’ouvre car le cerveau est mou et trop habitué. . Jean Luc Godard faisait parfois parler les gens en hors champ alors qu’il n’y a personne dans la pièce filmée. Je me suis laissé surprendre et ravir par le « hors cadre ». Sortir du cadre , légèrement en conservant donc l’impression originale du cadre non violé, apporte plein de bonnes surprises qui interrogent, une sorte de troisième dimension conceptuelle ou réelle. Ces photographies réunissent plusieurs de mes envies : la nature, le jeu, la recherche d’abstraction. Le détournement du cadre renforce l’abstraction suite à la perte de sens, de volume et de contexte. Il permet de confondre mon cerveau, de jouer. Cela permet de multiplier le regard, de se poser des questions sur la matière photographique, le détachement qu’elle opère vis-à-vis de l’objet lui-même, une sorte d’inversion des sens, profondeur, matière mouvante. J’aime éliminer les impressions de haut et de bas. Je falsifie légèrement le cadre de la photo pour démythifier la photographie traditionnelle, et m’évader. Je n’ai pas l’envie de subvertir la photographie, mais de l’élargir, l’enrichir, l’ouvrir à d’autres champ de réflexion. La réalité brute de l’image du réel doit conserver la force qu’elle a de montrer un « extraordinaire normal » , elle prime sur les sorties du cadre. J’adore aussi le mystère. René Magritte en parlait souvent :  » Seules les images qui montrent les choses – débarrassées de leur point d’interrogation – me semblent devoir être peintes. Les images montrent les choses et ne « représentent rien à penser », c’est nous-mêmes qui devons les représenter, c’est-à-dire, être comme elles, le mystère qui ne pose pas de question. La pensée, une étoile, une table , c’est le mystère qui ne pose pas de question.

Intérieur / extérieur

Les espaces intérieur et extérieur n’on aucun lien, à priori. Tout les sépare: l’échelle des objets, leur sens, la lumière, les émotions procurées. J’ai voulu les associer par la forme, les couleurs et les contours sans me préoccuper du sens. Néanmoins Chacun a la liberté d’en trouver. La démarche s’attache par contre à traiter uniquement la forme . Dans la première analyse du cerveau, la forme prédomine sur le sens, j’ai cherché à lier ces 2 espaces pour que le regard ne soit ni choqué ni rejeté, qu’il puisse entrer dans cet espace commun que la forme rend plausible comme un seul espace. Il voit 2 espaces mais toujours l’espace commun. Les associations sont incongrues mais le cerveau les accepte. Umberto Eco disait des vers de Dante et de Goethe qu’ils comportent 2 mots principaux et que c’est à chacun de faire le lien. Ici les 2 espaces correspondent aux 2 mots et chacun crée le lien qu’il souhaite.

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The Real, The extraordinary normal”

One time I said to myself, “….. We don’t look at nature, we look at nature…” As a result, I felt immersed, seen from all around me.

the « real »
I am captivated by the real captured by my camera. My photographs of reality sometimes surprise me so much that I no longer feel the impression I had at the time of the shooting. They are rediscovered, and a bit like «fictions», but always made of « real » matter. Art built from nothing, installations, artistic fabrications always have a particular character coming essentially from the artist . It is then possible that the sensitivity of the artist is no longer easily understood and that the work has no meaning. Photography of the real will always keep an independent component of the artist whatever the way to show it. this sufficiently strong « objective » component will allow it to keep meaning for all and beyond the ages. So, as Andréas Gursky said: « Why go further than the real, extraordinary in itself, and go towards fictional art ». I choose « the extraordinary normal », normal in the sense that I do not modify it but only transmit it. Photography is «poor» because it retains only a small part of the essence of the object. But paradoxically it seems to add a new character that would not exist in the object simply seen. This discrepancy with reality is confusing and delights me. The perspective, the depth, the sharpness too great disturbs me. Begins a game with illusion. I like the illusion when it persists even after several looks and attempts to understand, when it is not revealed or not quite.

For an abstract photograph
I now focus on the forms of Nature. Provided that my photographs do not call for ideas or memories to the spectator, so that the sense fades because it always ends up bringing comparison and judgment and weighing down. I prefer the pure, simple form, both real. Unlike painting, photography cannot produce an «abstract art» since it essentially shows real forms. I like to find photographic forms of Nature that bring me as much sense of abstraction as possible. My brain must finally conclude to a non-reality, and a degree of abstraction settles, even if it can sometimes be weak. The form is purified, is similar to painting and drawing. The paintings of V. Kandinsky and J. Pollock hypnotize me. The dialogue of photography and painting is captivating. I sometimes falsify the frame of the photo to demythify it, and escape. Was Jackson Pollock inspired by nature? An absolute delight for a master of abstraction!

Eliminate the time
The precise moment captured seems to discover an essential hidden detail but , in fact, often, it excludes the moment before and the moment after. Even if this moment is beautiful, it reduces to a detail and I cannot access the « general ». The moment fades quickly, he is already dead. the « general » or his impression, captured by the photographer, becomes naturalized and a little immortal. Alain Fleischer does not like the captured time, but he works on a «time without instant», a cinematographic time, a «time that settles (on the photograph)», a duration. I prefer to eliminate it, still the desire for abstraction, of permanence. That the moments before and after approach or, in fact, be the same as the time captured…. so that there is no longer any time;

Welved Landscape

2 images for 3 spaces. The brain wavers, the one to choose a large space to join a small to form a third. More volume, depth, scale, remains the line, the color as in painting.

Curb plot

The series allows to renew the pleasure, to play also. Every image confirms the idea given by another image. Photos are reduced at least, 2 dimensions those of the borders and that of the ground. Nevertheless we observe that the representation in plan is moved by the reality while the objective of recording in focal one close to that of the eye. The vibration due to the material destabilizes.
These borders are as a test card of measure, of calibration. But while the test card has to allow knowing better the measure of things, here it diverts.
The notions of classic geometry are almost null and void: – The ground becomes vertical as a wallpaper, a ground at which we would not look if it was only represented. – The effect of flattening is sometimes strengthened. – some of borders mix with the ground. – We do not still guess the size of objects.
The off-camera is non-existent, it prevents from imagining itself the space surrounding. The eye returns necessarily to these borders and disturbed rest. The spectator has to wonder about the power of the representation.
The almost clinical presentation, without shadow, without track of time, naturalizes these objects which keep nevertheless an impression of irreality.
Here, the series seems to be able to develop in the infinity. The notions of difference and of resemblance faint a little because we have the impression to see all the forms.
It’s curious as well as the man enjoys making so many forms for the same trivial function.

Counterpoint (contrepoint)

Juxtaposing images without mixing them reminds me of the contrapontists who make the melodies succeed each other but each of them keeps all its independence unlike the melodists who mix them. JS Bach’s «art of fugue» makes the melodies that vary slightly intersect, sometimes reverse, always in a regular rhythm where each note has its place, is not drowned in a chord. This constant and infinite music absorbs me. The «counterpoint» series was born from the desire to be able to catch the endless gaze like the fugues of JS Bach. The mystery of these associations must surprise us but also leave us dissatisfied

Fractal »

The fractal is the amalgam, the repetition of the beautiful without limit or brake………the profusion . If we add to it the light, the color…. we are filled and invaded

Off Camera

The frame is simple, practical and universal – so sober that you don’t care much about it. As soon as we get out of this «arbitrary» border, a new world opens up because the brain is soft and too accustomed. Jean Luc Godard sometimes made people talk off-camera when there is no one in the filmed room. I was surprised and delighted by the “out of frame”. Going out of the frame, slightly keeping the original impression of the frame not violated, brings plenty of good surprises that question, a sort of third conceptual or real dimension. These photographs bring together several of my desires: nature, play, the search for abstraction. The diversion of the frame reinforces the abstraction following the loss of meaning, volume and context. It makes it possible to confuse my brain, to play. This makes it possible to multiply the gaze, to ask questions about photographic matter, the detachment it operates vis-à-vis the object itself, a sort of inversion of the senses, depth, moving matter. I like to eliminate top and bottom impressions. I slightly falsify the frame of the photo to demythify traditional photography, and escape. I do not want to subvert photography, but to broaden it, enrich it, open it to other fields of reflection. The raw reality of the image of the real must retain strength I also love mystery. René Magritte often talked about it: « Only the images that show things – stripped of their question mark – seem to me to have to be painted. The images show things and do not “represent anything to think”, it is ourselves who must represent them, that is to say, to be like them, the mystery that does not pose a question. Thought, a star, a table, is the mystery that does not ask any question.

Intside/Outside

IThe interior and exterior spaces are not connected, a priori. Everything separates them: the scale of the objects, their meaning, the light, the emotions provided. I wanted to combine them by shape, colors and contours without worrying about the meaning. Nevertheless Everyone has the freedom to find them. The approach is instead to treat only the form . In the first analysis of the brain, the form predominates over the sense, I tried to link these two spaces so that the gaze is neither shocked nor rejected, so that it can enter this common space that the form makes plausible as a single space. He sees 2 spaces but still the common space. Associations are incongruous but the brain accepts them. u>l>Umberto Eco/l>/u> said verses by Dante and Goethe that they contain 2 main words

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