Le réel – l’extraordinaire normal

Le réel – l’extraordinaire normal

Une fois, je me suis dit : « …..Ce n’est pas nous qui regardons la nature, c’est la nature qui nous regarde… », du coup , je me suis senti immergé, vu de toute part

Je suis subjugué par le réel capté par mon appareil. Mes photographies du réel me surprennent parfois tellement que je ne ressent plus bien l’impression que j’ai eu au moment de la prise de vue. Elles sont des redécouvertes, et un peu comme des « fictions », mais toujours faite de matière « réelle ». l’art construit de rien, les installations, les fabrications artistiques ont toujours un caractère particulier provenant essentiellement de l’artiste . Il est possible alors que la sensibilité de l’artiste ne soit plus facilement comprise et que l’ œuvre n’ait plus de sens. La photographie du réel gardera toujours une composante indépendante de l’artiste quelque soit la façon de le montrer. cette composante « objective » suffisamment forte lui permettra de garder du sens pour tous et par delà les âges. Alors , comme le disait Andréas Gursky : « Pourquoi aller plus loin que le réel, extraordinaire en soi, et aller vers l’art fictionnel ». Je choisi « l’extraordinaire normal » , normal dans le sens où je ne le modifie pas mais ne fait que le transmettre. La photographie est « pauvre » car elle ne retient qu’une faible partie de l’essence de l’objet. Mais paradoxalement elle semble ajouter un caractère nouveau qui n’existerait pas en l’objet simplement vu. Ce décalage avec la réalité est confus et me ravit (ravir dans le sens originel de rapt). La perspective, la profondeur, la netteté trop grande me trouble. Commence un jeu avec l’illusion. J’aime l’illusion quand elle persiste même après plusieurs regards et tentatives de compréhension, quand elle n’est pas démasquée ou pas tout à fait.

Pour une photographie abstraite

Je me concentre désormais sur les formes de la Nature. Pourvu que mes photographies n’appellent pas d’idées ni de souvenirs au spectateur, pour que le sens s’évanouisse car il finit toujours par apporter la comparaison puis le jugement et alourdit. Je préfère la forme pure, simple, à la fois réelle. Contrairement à la peinture, la photographie ne peut produire un « art abstrait » puisque par essence elle montre des formes réelles. J’aime trouver des formes photographiques de la Nature qui m’apporte le plus de sentiment d’abstraction possible. Mon cerveau doit finalement conclure à une non-réalité, et un degré d’abstraction s’installe, même s’il peut parfois être faible. La forme s’épure, se rapproche de la peinture et du dessin. Les tableaux de V. Kandinsky et de J. Pollock m’hypnotisent. Le dialogue de la photographie et de la peinture est captivant. Je falsifie parfois le cadre de la photo pour la démythifier, et m’évader. Jackson Pollock s’inspirait-il de la nature ? Un comble pour un maître de l’abstraction !

Éliminer le temps

L’instant précis capté semble découvrir un détail caché essentiel mais , en fait, souvent, il exclut l’instant d’avant puis celui d’après. Même si cet instant est beau, il réduit à un détail et je ne peux pas accéder au « général » . L’instant s’efface vite, il est déjà mort. le « général » ou son impression , capté par le photographe, devient naturalisé et un peu immortel. Alain Fleischer n’aime pas le temps capté, mais lui travaille sur un « temps sans instant », un temps cinématographique, un « temps qui se dépose (sur la photographie) », une durée. Je préfère l’éliminer, encore l’envie d’abstraction, de permanence. Que les instants d’avant et après se rapprochent ou soient, en fait, les mêmes que celui du temps capté….pour qu’il n’y ait plus de durée;

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